que peuvent-ils ?
ils peuvent t’ignorer
tu es le rocher sur la route
ils peuvent te contourner
tu es la route qui s’avance
ils peuvent te bétonner
tu es la racine qui émerge
ils peuvent te blesser
tu es le sang qui s’imprime
ils peuvent t’assécher
tu es l’oued qui déborde
ils peuvent t’empoisonner
tu es la pluie qui rince
ils peuvent te récupérer
tu es la boue qui se répand
ils peuvent t’écraser
tu es la terre qui se dérobe
ils peuvent te condamner
tu es la montagne qui se dresse
ils peuvent te déplacer
tu es le caillou qui roule
ils peuvent t’émietter
tu es le sable qui s’infiltre
ils peuvent te tasser
tu es l’atome qui menace
ils peuvent t’enfermer
tu es l’air qui s’échappe
ils peuvent t’aspirer
tu es le ciel qui se déploie
ils peuvent te recouvrir
tu es le voile qui se gonfle
ils peuvent t’oppresser
tu es la joie qui libère
d’une forme à l’autre tu leur échappes
que peuvent -ils contre les mues
du firmament ?
Myriam Dhume-Sonzogni, avril 2025
Résister
Comment la Poésie résiste -t-elle à la violence ? Je me pose cette question en permanence lorsque j’écris. Que peut la Poésie quand le racisme s’infiltre partout dans les chambres d’Etats ? Quand les cris couvrent le murmure de celles et ceux qui voudraient chanter encore ? Quand tant de vies sont dévastées ? Que peut la poésie face aux fusils, face aux bombes, face à l’indifférence politique, face aux mesures anti sociales, face à l’isolement et à l’oubli ?
Que peut la poésie face à Gaza ?
Audre Lorde dit :
« quand nous parlons nous avons peur
que nos mots ne soient ni entendues
ni compris
mais quand nous nous taisons
là encore, nous avons peur
alors, il est préférable que nous parlions
en nous souvenant
que nous n’étions pas censées survivre. »
Les mots d’Audre Lorde me soutiennent.
Tu me dis souvent, il faut dénoncer la main qui porte le fusil. Mais c’est une question que je te retourne : la Poésie a-t-elle vocation à être une arme sur le terrain des armes ? La Poésie doit-elle contrer les discours mots par mots du pouvoir ? Je sens bien que dès que j’essaie d’argumenter sur le terrain des textes du pouvoir, mes mots se durcissent. Dès lors que j’essaie de convaincre, mes mots se tordent. Dès que j’essaie de plier les mots à une cause, la Poésie se fane dans ma main. La Poésie serait-elle impuissante à résister aux dominations abusives ? Mais alors comprendre l’acharnement des tyrans à faire taire le murmure des poétes·ses? Audre Lorde dit : « on ne détruit pas la maison des maitres avec les outils des maitres ». Si la Poésie se préoccupe de justice elle ne se préoccupe pas de gagner des guerres. Son pouvoir est ailleurs. Les mots des poétes·ses ne couvrent pas le fracas des bombes. Par contre, ce que je crois, la Poésie a le pouvoir de déminer le silence lorsqu’il vient redoubler le fracas des bombes.
Je crois que la Poésie nous insuffle sa puissance d’une manière que nous ne conscientisons pas. Les mots des poètes·ses je les imagine comme autant de graines qui s’infiltrent sur les territoires de l’invisible.
Ce que peut la Poésie ? On ne le sait pas tant que les mots n’auront pas germé.
Ce qu’on sait c’est que nous sommes remplies de forêts nées des mots des poétes·ses qui nous ont précédées. N’imagine pas que ce ne soit rien. Ces forêts-là sont tenaces, elles soutiennent nos âmes et nourrissent nos cœurs au milieu des tourmentes. La Poésie a des racines puissantes qui travaillent en silence sous nos pieds à ouvrir des passages pour les graines qui ne demandent qu’à germer.
J’écris avec la conviction que de l’invisible, un jour, naitront des forêts d’une puissante évidence. C’est cela qui me permet de résister encore. C’est cela qui me permet d’écrire encore.
Myriam Dhume-Sonzogni, entretien poétique, avril 2025

SECOUEZ LES BARREAUX ^ Mikadiou
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